La communication consciente au Centre MGL


Le Centre Marie-Gérin-Lajoie, bien ancré dans sa mission d’éducation populaire à la paix, rend accessible différentes formations sur mesure inspirées de différentes approches, dont la Communication NonViolente (CNV), selon les besoins des organismes et autres milieux principalement communautaires. La Communication NonViolente fait de plus en plus son chemin, mais de quoi s’agit-il exactement?


Pas encore une autre technique de communication!


… C’est ce que j’ai pensé la première fois que j’ai entendu parler de la Communication NonViolente. Malgré mon élan certain à contribuer à plus de paix et de dialogue dans le monde, j’ai mis des années à mettre les pieds dans un premier cours d’introduction en CNV. Cette réticence parlait beaucoup de la part de moi qui a besoin d’aborder les choses dans leur profondeur, dans leur complexité, pour que ça fasse sens… les relations humaines ne faisant pas exception. L’idée d’apprendre une technique pour mieux communiquer, une ‘recette magique’, ne m’inspirait pas beaucoup…

La proposition de Rosenberg n’est pas une technique, ni une ‘recette magique’; c’est une philosophie de vie dans laquelle est proposée des outils pour retrouver le chemin de notre bienveillance naturelle…


‘Ne prenez pas la carte pour le territoire’, que disait le fondateur… Et après quelques années à explorer la CNV, mon intérêt particulier pour tout ce qui sort des sentiers battus n’a fait qu’enrichir mes perspectives du territoire et à l’aimer encore davantage.


La ‘carte’ proposée pour apprendre et intégrer la Communication NonViolente (Qui inclut des processus et différentes techniques), nous offre des points de repères pour soutenir un changement de posture intérieur au quotidien, et n’est donc pas une finalité en soi. Je vais donc choisir de vous parler surtout de l’essentiel, de cette ‘finalité’, que j’en suis venu à comprendre du territoire, et qui parle tellement plus à mon cœur… mais aussi parce qu’il n’y a pas de manière plus belle, et surtout plus intègre, de parler de la CNV en mon sens que de parler de cet essentiel qu’on peut malheureusement trop facilement oublier…


Bienveillance naturelle… gentillesse?


‘Sois gentille!’ …
‘Toi, tu comprends… !’ …


J’ai longtemps associé la bienveillance à la gentillesse… Et j’ai bien appris à être la gentille fille, qui comprend. J’ai passé beaucoup de temps dans ma vie à comprendre le plus de
perspectives possibles, à inclure et élargir mon contenant pour comprendre le monde dans ‘toutes’ ses nuances et sa complexité. Faire des liens et englober ‘tout’ me donne le sentiment de contribuer à un monde meilleur, hors des divisions et séparations habituelles. Intention et habitude honorable, que je ne veux certainement pas perdre de vue encore aujourd’hui…


La CNV m’apprend par contre que la bienveillance a bien souvent beaucoup plus à voir avec la vérité qu’avec la gentillesse et la compréhension. La CNV est d’abord et avant tout un chemin d’authenticité… dans mon expérience, c’est cette authenticité, ce ‘vrai’, qui me permet de vivre de plus en plus de satisfaction mutuelle en relation, mais aussi dans ma vie en général.


Être ‘vrai’, qu’est-ce que ça veut dire?


‘Comment tu te sens?’…


… Une belle question en apparence si simple, à laquelle je n’arrivais souvent pas à répondre spontanément. Ma bonne vieille habitude à ‘comprendre’ arrivait (Et arrive encore souvent!) alors à la rescousse! Je peux ‘t’expliquer’ comment je me sens, dans ma tête, avec de beaux liens issus d’années d’analyses personnelles. Je peux aussi te dire que ‘tout va bien, c’est rien…’, et c’est surtout tellement ‘moins important que…’ ….


Pause… on respire… on recadre… ‘qu’est-ce qui est important pour moi juste là, maintenant…?’


Comprendre les perspectives de tout le monde, c’est très utile… Mais est-ce que je m’inclus là-dedans? Et surtout, qu’est-ce que j’inclus là-dedans?


Le cœur de la CNV, ce qui la distingue, c’est la notion de besoin et comment elle la porte: Dans son universalité et dans la responsabilité. La CNV nous propose de développer une posture intérieure qui considère qu’au cœur de tout comportement, toute pensée, etc., à chaque instant, il y a des besoins humains fondamentaux et légitimes qui cherchent à s’exprimer. Être ‘vrai’, c’est être en contact avec ces besoins, et agir de manière à les manifester.


Facile? Pour plusieurs d’entre nous, non. Selon notre histoire, notre éducation, nos relations, etc., nous avons souvent appris à soi prioriser nos besoins, ou à prioriser ceux des autres: Rarement avons-nous appris à considérer que toutes les parties concernées ont des besoins légitimes en jeu au même moment… Et encore, il faut être capable de les identifier! La CNV nous propose des outils concrets, des chemins, pour y arriver.


Le chemin en soit demande beaucoup de bienveillance… envers soi-même et envers les autres, humains que nous sommes qui retombons très facilement dans nos bonnes vieilles pantoufles d’une vision binaire du monde, du moi ou l’autre, de la ‘bonne’ et ‘mauvaise’ manière
de faire les choses. La CNV dans sa forme reste un idéal, dont l’idéal est de ne pas non plus trop s’y accrocher… Rappelons-nous que nous voulons d’abord et avant tout être vrai.


‘Par delà les idées du bien et du mal, il y a un champs. Je t’y retrouverai.’ (Rumi)


Voir le monde à travers la lunette des besoins m’aide à voir le précieux derrière mes impressions et à priori, ou du moins à faire preuve de davantage de curiosité sur ce que je n’arrive pas nécessairement à voir sur le moment. Cet engagement intérieur fait toute la différence lorsque je souhaite vivre plus de liens de qualité: Ma manière de répondre aux tensions inévitables en relation ne sera pas la même. Dans la lunette des besoins, les tensions ne sont pas des problèmes, mais des opportunités. Elles sont les manifestations de besoins qui demandent notre attention. Pour exemple, la CNV propose entre autres 3 principaux mouvements pour manifester cette posture avec moi-même et avec les autres:


L’auto empathie: Quand je porte mon attention sur moi-même.

L’écoute empathique: Quand je porte mon attention sur l’autre.

L’expression authentique: Quand je m’exprime…


Chaque mouvement a en son cœur cette intention de connexion aux besoins. La communication dite ‘nonviolente’ arrive grâce à la posture responsable à laquelle les différents processus donnent accès: Je te parle de mes besoins, j’entends les tiens, et si on trouvait ensemble un moyen de mieux vivre ensemble… ?


L’empathie… passivité?

Un des présupposés qu’on veut déconstruire, c’est que l’empathie mène à l’inaction: L’invitation est en fait tout le contraire. Marshall Rosenberg a été particulièrement inspiré par les mouvements de nonviolence de Ghandi et Martin Luther King… la passivité n’a donc rien à voir avec la CNV.


Marshall avait un rêve de changement social, au-delà des processus plus personnels, et que j’ose dire nécessaires, qu’elle permet… rêve que je partage. La responsabilité, entre autres, n’est pas en mon sens quelque chose que je vis dans mon coin, isolée du monde: Nous sommes des êtres sociaux, communautaires, et nos actions ont des impacts les uns sur les autres. La changement social à travers la nonviolence, pour moi, tient dans cette conscience accrue de notre interdépendance, et des actions qu’on choisit de faire pour la faire vivre à la fois individuellement et collectivement. Prendre responsabilité de nos besoins, c’est les amener dans le monde, dans le Nous. C’est vrai pour mes relations proches, comme pour les différents mouvements sociaux plus largement. Chaque sphère amène bien sûr son lot de complexité, et ‘rien est si facile’… de là l’importance de revenir et se rappeler régulièrement du cœur de la
proposition à mesure qu’on avance au moins: Créer un monde où les besoins de tous sont pris en compte.


Cette proposition est quelque part depuis longtemps au cœur de bien des débats sur ce qui nous a mené là où on en est collectivement, sur le réalisme même de la proposition, et sur la manière d’y arriver… Et si on commençait déjà par apprendre à se parler pour vrai?

Kelly Pelletier Michaud, formatrice pour le Centre Marie-Gérin-Lajoie.